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Quelles valeurs ont les tests orthopédiques?

Dernière mise à jour : 15 mars



Qu'est-ce que le test de Jobe et pourquoi est-il considéré comme médiocre pour diagnostiquer une lésion du muscle supra-épineux?


Le test de Jobe, également connu sous le nom de "empty can test", est souvent utilisé pour diagnostiquer les lésions du muscle supra-épineux. Cependant, des études montrent que ce test a une sensibilité de 71%, signifiant que 29% des lésions réelles pourraient ne pas être détectées (faux négatifs). Sa spécificité est encore plus basse, à 49%, indiquant un risque élevé de faux positifs (51%). Ces limites suggèrent une utilité réduite dans le diagnostic précis de telles lésions.


En quoi le test de Lasègue est-il inefficace pour détecter la radiculopathie lombaire?


Le test de Lasègue est couramment utilisé pour identifier la présence de radiculopathie lombaire. Malgré une sensibilité élevée de 92%, sa spécificité est extrêmement basse à 28%, résultant en un nombre considérable de faux positifs (72 sur 100 tests). Cela signifie que le test peut souvent indiquer une radiculopathie chez des individus sains, rendant son utilité diagnostique limitée.


Pourquoi est-il important d'utiliser des tests orthopédiques dans le raisonnement clinique?


Les tests orthopédiques sont cruciaux dans le processus cognitif du raisonnement clinique, aidant à élaborer des stratégies pour améliorer la prise en charge des patients. Ils facilitent également la communication entre les praticiens et avec les patients, aidant à déterminer l'urgence et la nécessité de soins spécialisés.


Comment les erreurs diagnostiques affectent elles la qualité des soins médicaux?


Les erreurs diagnostiques sont une cause majeure de mortalité, avec des études montrant que 28% de ces erreurs sont considérées comme majeures. Une part significative de ces erreurs résulte d'une mauvaise interprétation clinique et d'examens cliniques inappropriés, soulignant le besoin d'améliorer la précision clinique et de réduire les biais cognitifs.


Quelle est l'importance de la sensibilité et de la spécificité dans l'évaluation des tests diagnostiques?


La sensibilité et la spécificité sont essentielles pour comprendre l'efficacité d'un test dans l'inclusion ou l'exclusion d'une pathologie. Elles permettent d'évaluer les risques de faux positifs et de faux négatifs, offrant une base pour la sélection de tests diagnostiques plus fiables basés sur des études de haute qualité méthodologique.


Jehan de Chaillé nous explique:

"Un test peut être excellent pour inclure une pathologie, mais médiocre pour l’exclure. Ainsi il sera pertinent s'il est positif mais il ne nous donnera que très peu d'informations s’il est négatif. Et inversement.

Il faut ainsi être en capacité de déterminer le volume d’erreur que le test produit sur une population malade (qui a préalablement été diagnostiquée par une référence), le volume d’erreur que le test produit sur une population dite saine. En d'autres termes sur une population malade, combien obtiendra-t-on de faux négatifs, combien de malades vont passer entre les mailles du filet ? C’est la sensibilité du test.

 Sur une population non malade, combien obtiendra-t-on de faux positifs, combien de personnes vont obtenir un test positif alors qu’ils sont sains ? C’est la spécificité du test.

Grâce à cela, nous pouvons évaluer les risques générés par un test de produire des faux positifs et/ou des faux négatifs.


Pour obtenir ces valeurs, des études sont effectuées où le test est comparé à un gold standard (le moyen déterminé à l’heure actuelle comme étant le plus fiable pour une pathologie), un standard de référence (défini comme moins fiable) ou des critères de référence (approximatif) dans une population saine ou atteinte. Malheureusement bien que la recherche soit cruciale, elle peut être de mauvaise qualité. Ainsi des publications peuvent annoncer des résultats, mais lorsque la méthodologie est scrutée, des fragilités et des biais peuvent être détectés. Par exemple, selon la nature de la comparaison. Rien que le fait de comparer un geste physique à une imagerie est en soit biaisé. Ou bien la qualité de la référence à laquelle le test est comparé. Mais aussi la taille de l’échantillon etc...

C’est pour cela que des valeurs clinimétriques très éloignées peuvent être retrouvées pour le même test !

Le test d’Apley par exemple pour hypothétiquement évaluer une atteinte méniscale du genou obtient des valeurs égales à 61% de Se et 70% de Sp dans une étude (Hegedus et collaborateurs) mais 16% de Se et 100% de Sp dans une autre (Pookarnjanamoraka et collaborateurs)."


Qu'est-ce que le score QUADAS et pourquoi est-il important?


Le score QUADAS (Quality Assessment of Diagnostic Accuracy Studies) évalue la qualité méthodologique des études sur la précision diagnostique. Un score proche de 14 indique une étude de haute qualité. Ce score aide à identifier les études les plus fiables, réduisant le risque de conclusions erronées basées sur des données de mauvaise qualité.


Comment les clusters de tests peuvent ils améliorer la fiabilité du diagnostic?


L'utilisation de clusters de tests, comme celui développé par Cook pour la myélopathie cervicale, peut augmenter significativement la spécificité et la valeur diagnostique, comparativement à l'utilisation de tests individuels. Ces clusters combinent plusieurs critères pour améliorer la probabilité de détecter correctement une condition spécifique.


Jehan de Chaillé nous explique:

"Un exemple connu est le cluster de Cook et collaborateurs pour la myélopathie cervicale. Ce cluster regroupe :

- Avoir plus de 45 ans

- Sensation d’instabilité à la marche

- Test d’Hoffmann positif

- Signe du supinateur inversé

- Test de Babinski positif


Si on regarde les valeurs clinimétriques des tests (sauf 2 premiers critères) indépendamment[9] :

- Test d’Hoffmann : Se 44%, Spe 75%, RV+ 1,8, RV- 0,7

- Signe du supinateur inversé : Se 61%, Spe 78%, RV+ 1,5, RV- 0,8

- Test de Babinski : Se 33%, Spe 92%, RV+ 4, RV- 0,7


Si nous nous reportons à nos propos précédents, l’apport diagnostic de ces tests est faible voire nul.


Mais additionné en cluster, si la personne présente 3 critères positifs ou plus, la spécificité passe à 94% avec un RV+ à 30,9, pour un QUADAS à 7[10]. Ainsi, à partir de 3 tests positifs, la personne qui se présente à nous à de forte probabilité de souffrir d’une myélopathie cervicale.


Nous pourrions nous attarder également sur les clusters de Mark Laslett et le diagnostic effectif des douleurs sacro-iliaques, mais je conseille dans ce cas la lecture d’une excellente série d’article de Joshua Lavallée sur le site Kinefact[11]."



Conclusion: Pourquoi est-il essentiel d'améliorer les outils diagnostiques dans le domaine de la thérapie manuelle?


Il est crucial pour les thérapeutes manuels de s'équiper d'outils diagnostiques fiables pour affiner leur raisonnement clinique, exclure les conditions hors de leur champ de compétence et améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Malgré les limites des tests individuels, une approche combinée et une familiarisation avec les meilleures pratiques basées sur des données probantes peuvent considérablement améliorer l'efficacité du diagnostic et du traitement.



La conclusion de Jehan de Chaillé :

"Nous pourrions d’ailleurs aborder le nomogramme de Fagan ? Vous êtes partant ou c’était déjà assez indigeste ? Bon et bien une prochaine fois peut être !

Mais il n’empêche que pour ce qui est de diagnostiquer précisément la pathologie de la personne qui nous consulte, comme nous l’avons remarqué plus haut, il y a très peu de tests vraiment utiles, précis. Les cliniciens doivent sans doute réfléchir et se familiariser avec la notion d’inconfort diagnostic. Dans le domaine musculo-squelettique, en ce qui concerne les tests orthopédiques, il est hautement probable qu’on ne puisse jamais vraiment trancher. En revanche, ce que nous pouvons savoir c’est ce dont la personne souffre ! Quelles sont les fonctions dont la personne se sent dépossédée ? Quelles sont les actions, les loisirs, les activités que la personne n’arrive plus à exécuter le plus confortablement possible ? “Je n’arrive plus à courir autant que je le faisais avant” n’est-il pas plus important à “diagnostiquer” que l’arthrose du genou ? Connaissant en plus la littérature actuelle sur le sujet, mais aussi toutes les notions de discordance radio-clinique. N’est-il pas plus important de développer nos capacités pronostics pour accompagner au mieux les gens qui font appel à nous, répondre à leur question, et nos capacités prescriptrices afin de leur donner des outils, et/ou connaître les stratégies à suivre ?

La règle du “C-Spine Rule” (voir image[12]) par exemple est une règle prescriptive qui ne nous permet pas de diagnostiquer, mais qui est hautement utile (Se 100%, Sp 42,5%[13]) pour décider de la suite : Imagerie ou pas imagerie ? Les critères d’Ottawa[14] également pour les entorses de cheville. Besoin ou non d’imagerie ? Suspicion de fractures ?

 Quelle est véritablement la demande des patients ? Sur une journée de consultation, à la question “En quoi puis-je vous être utile, qu’espérez-vous de moi ?” combien, véritablement, de personnes répondent “Trouvez ce que j’ai !”





Affiche représentant les critères "Canadian c-spine"

[1] Studies of quality and impact in clinical diagnosis and decision-making - Eric J. Hegedus doi : 10.1179/106698110X12640740713012 [2] Medical error—the third leading cause of death in the US BMJ 2016; 353 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.i2139 (Published 03 May 2016) Cite this as: BMJ 2016;353:i2139 [3] Schiff GD, Hasan O, Kim S, et al. Diagnostic Error in Medicine: Analysis of 583 Physician-Reported Errors. Arch Intern Med. 2009;169(20):1881–1887. doi:10.1001/archinternmed.2009.333

[4] Whiting, P., Rutjes, A.W., Reitsma, J.B. et al. The development of QUADAS: a tool for the quality assessment of studies of diagnostic accuracy included in systematic reviews. BMC Med Res Methodol 3, 25 (2003). https://doi.org/10.1186/1471-2288-3-25

[5] Hermans J, Luime JJ, Meuffels DE, Reijman M, Simel DL, Bierma-Zeinstra SMA. Does This Patient With Shoulder Pain Have Rotator Cuff Disease? The Rational Clinical Examination Systematic Review. JAMA. 2013;310(8):837–847. doi:10.1001/jama.2013.276187

[6] van der Windt DA, Simons E, Riphagen II, Ammendolia C, Verhagen AP, Laslett M, Devillé W, Deyo RA, Bouter LM, de Vet HC, Aertgeerts B. Physical examination for lumbar radiculopathy due to disc herniation in patients with low-back pain. Cochrane Database Syst Rev. 2010 Feb 17;(2):CD007431. doi: 10.1002/14651858.CD007431.pub2. PMID: 20166095.

[7] Delacour H., François N., Servonnet A., Gentile A., Roche B. Les rapports de vraisemblance : un outil de choix pour l’interprétation des test biologiques. Immunoanalyse et biologie spécialisée (2009) 24, 92-99. doi:10.1016/j.immbio.2009.01.002

[8] Hegedus EJ, Cook C, Lewis J, Wright A, Park JY. Combining orthopedic special tests to improve diagnosis of shoulder pathology. Phys Ther Sport. 2015 May;16(2):87-92. doi: 10.1016/j.ptsp.2014.08.001. Epub 2014 Aug 10. PMID: 25178255.

[9] Cook C, Roman M, Stewart KM, Leithe LG, Isaacs R. Reliability and diagnostic accuracy of clinical special tests for myelopathy in patients seen for cervical dysfunction. J Orthop Sports Phys Ther. 2009 Mar;39(3):172-8. doi: 10.2519/jospt.2009.2938. PMID: 19252263. [10] Cook CE, Wilhelm M, Cook AE, Petrosino C, Isaacs R. Clinical tests for screening and diagnosis of cervical spine myelopathy: a systematic review. J Manipulative Physiol Ther. 2011 Oct;34(8):539-46. doi: 10.1016/j.jmpt.2011.08.008. Epub 2011 Sep 6. PMID: 21899892. [11]http://www.kinefact.com/troubles-musculo-squelettiques/examen-sacro-iliaques-1/

[12] http://www.piriforme.fr/sites/default/files/inline-images/canadian-c-spine.png [13] Stiell IG, Wells GA, Vandemheen KL, Clement CM, Lesiuk H, De Maio VJ, Laupacis A, Schull M, McKnight RD, Verbeek R, Brison R, Cass D, Dreyer J, Eisenhauer MA, Greenberg GH, MacPhail I, Morrison L, Reardon M, Worthington J. The Canadian C-spine rule for radiography in alert and stable trauma patients. JAMA. 2001 Oct 17;286(15):1841-8. doi: 10.1001/jama.286.15.1841. PMID: 11597285. [14] Bachmann LM, Kolb E, Koller MT, Steurer J, ter Riet G. Accuracy of Ottawa ankle rules to exclude fractures of the ankle and mid-foot: systematic review. BMJ. 2003 Feb 22;326(7386):417. doi: 10.1136/bmj.326.7386.417. PMID: 12595378; PMCID: PMC149439.



Liste des Références et supports


Cet article de blog ne prétend pas produire de la connaissance, sa rédaction est permise par la lecture de publications scientifiques, d’articles de blog et d’autres écrits.


Studies of quality and impact in clinical diagnosis and decision-making - Eric J. Hegedus


Medical error—the third leading cause of death in the US BMJ 2016; 353 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.i2139 (Published 03 May 2016) Cite this as: BMJ 2016;353:i2139


Schiff GD, Hasan O, Kim S, et al. Diagnostic Error in Medicine: Analysis of 583 Physician-Reported Errors. Arch Intern Med. 2009;169(20):1881–1887. doi:10.1001/archinternmed.2009.333


Whiting, P., Rutjes, A.W., Reitsma, J.B. et al. The development of QUADAS: a tool for the quality assessment of studies of diagnostic accuracy included in systematic reviews. BMC Med Res Methodol 3, 25 (2003). https://doi.org/10.1186/1471-2288-3-25


Hermans J, Luime JJ, Meuffels DE, Reijman M, Simel DL, Bierma-Zeinstra SMA. Does This Patient With Shoulder Pain Have Rotator Cuff Disease? The Rational Clinical Examination Systematic Review. JAMA. 2013;310(8):837–847. doi:10.1001/jama.2013.276187


van der Windt DA, Simons E, Riphagen II, Ammendolia C, Verhagen AP, Laslett M, Devillé W, Deyo RA, Bouter LM, de Vet HC, Aertgeerts B. Physical examination for lumbar radiculopathy due to disc herniation in patients with low-back pain. Cochrane Database Syst Rev. 2010 Feb 17;(2):CD007431. doi: 10.1002/14651858.CD007431.pub2. PMID: 20166095.


Delacour H., François N., Servonnet A., Gentile A., Roche B. Les rapports de vraisemblance : un outil de choix pour l’interprétation des test biologiques. Immunoanalyse

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Hegedus EJ, Cook C, Lewis J, Wright A, Park JY. Combining orthopedic special tests to improve diagnosis of shoulder pathology. Phys Ther Sport. 2015 May;16(2):87-92. doi: 10.1016/j.ptsp.2014.08.001. Epub 2014 Aug 10. PMID: 25178255



Stiell IG, Wells GA, Vandemheen KL, Clement CM, Lesiuk H, De Maio VJ, Laupacis A, Schull M, McKnight RD, Verbeek R, Brison R, Cass D, Dreyer J, Eisenhauer MA, Greenberg GH, MacPhail I, Morrison L, Reardon M, Worthington J. The Canadian C-spine rule for radiography in alert and stable trauma patients. JAMA. 2001 Oct 17;286(15):1841-8. doi: 10.1001/jama.286.15.1841. PMID: 11597285


Cook C, Roman M, Stewart KM, Leithe LG, Isaacs R. Reliability and diagnostic accuracy of clinical special tests for myelopathy in patients seen for cervical dysfunction. J Orthop Sports Phys Ther. 2009 Mar;39(3):172-8. doi: 10.2519/jospt.2009.2938. PMID: 19252263.


Cook CE, Wilhelm M, Cook AE, Petrosino C, Isaacs R. Clinical tests for screening and diagnosis of cervical spine myelopathy: a systematic review. J Manipulative Physiol Ther. 2011 Oct;34(8):539-46. doi: 10.1016/j.jmpt.2011.08.008. Epub 2011 Sep 6. PMID: 21899892.


Shreffler J, Huecker MR. Diagnostic Testing Accuracy: Sensitivity, Specificity, Predictive Values and Likelihood Ratios. [Updated 2021 Mar 3]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2021 Jan-. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK557491/


GUILLAUME CHRISTE, PT, MSc, DAS - Validité d’un test diagnostique : utilité clinique de la sensibilité, spécificité et rapports de vraisemblance







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